23 avril 2013 – BRINKS – « Le projet du gouvernement d’abaisser le seuil autorisé de paiement en espèces permettra-t-il de lutter efficacement contre la fraude ? »
Posté le:04-23-2013 par : Webmaster
BRINKS
« Le projet du gouvernement d’abaisser le seuil autorisé de paiement en espèces permettra-t-il de lutter efficacement contre la fraude ? »

La dématérialisation de la monnaie, liée au développement d’internet, l’émergence de nouveaux moyens de paiement et l’augmentation des flux financiers, remet en question la place du cash dans nos sociétés. Les monnaies métalliques ont progressivement été abandonnées au profit des billets, eux-mêmes supplantés par le chèque, concurrencé par la carte bancaire et la monnaie électronique. La part des espèces en France représente 44% du nombre de transaction et environ 15% du volume classant la France en 22ème position sur 27 au sein de la CEE.
Cet hiver, la circulation fiduciaire de la monnaie européenne a franchi un record historique, atteignant 913 milliards d’euros. Pour lutter contre le blanchiment d’argent et les fraudes, certaines opérations ou transactions ne peuvent être réalisées en espèces au-dessus d’un certain seuil. L’Europe s’est récemment prononcée en faveur d’un durcissement des règles en vigueur.
La Commission européenne a publié, en février 2013, un projet de directive – que les États membres doivent s’engager à appliquer dans leur législation nationale – visant, notamment, à limiter à 7 500 euros les paiements en espèces, contre 15 000 euros auparavant. Les paiements au-delà de ce seuil seraient rendu « suspects » et rentreraient dans le champ d’application du Groupe d’action financière (Gafi). Chaque État reste cependant libre de fixer des seuils inférieurs. Ainsi, le gouvernement de Mariano Rajoy, en Espagne a mis en place, en 2012, une série de mesures, limitant les paiements en liquide à 2500 euros.
Selon une étude réalisée pour l’OCDE en 2010, le blanchiment d’argent représente au moins 10% du PIB légal de la France, soit une manne de 220 milliards d’euros qui échapperait à l’Etat. Cependant, seulement 38% des déclarations de soupçons auprès de Tracfin, en 2011, concernaient les espèces.
La croissance exponentielle de la monnaie électronique est considérée par Tracfin comme un siège de risque majeur notamment en matière de blanchiment et de financement du terrorisme (rapport 2011 Tracfin).
En clôture du Conseil National de lutte contre la fraude, en date du 11 février 2013, le Premier ministre a annoncé sa volonté d’abaisser à 1 000 € le plafond pour lequel un paiement en espèces (pièces et billets) est autorisé, contre 3000€ actuellement. Le seuil pour les non-résidents serait lui aussi abaissé à 10 000 euros, contre 15 000 euros aujourd’hui. Jean-Marc Ayrault a indiqué qu’une consultation allait « être engagée très rapidement afin qu’un décret et des mesures législatives soient prises d’ici la fin 2013. »
Les avantages du cash sont nombreux. Tout d’abord il préserve l’anonymat de ses utilisateurs face aux risques grandissants de contrôle de la vie privée des individus (données personnelles sur internet, stockage des informations personnelles). Ensuite, l’argent liquide, facile d’utilisation, est psychologiquement important pour la population car il permet la matérialisation d’une « richesse ». L’utilisation d’espèces est gratuite pour les particuliers, à l’inverse des chéquiers et des cartes bancaires qui intègrent des frais d’activation et d’entretien. Enfin, le cash reste le seul moyen de paiement des personnes en situation de précarité et des interdits bancaires. (1.6 millions d’interdits bancaires au 31/12/2011 soit 3,2% de la population de 15 ans ou plus)
Le droit de « seigneuriage » sur la monnaie fiduciaire versé par la Banque centrale européenne à l’Etat français représente une recette de près de 3 milliards par an qui serait amputée par une réduction de la circulation du cash.
Le montant de la fraude sur les billets de banque décroit de 30% entre 2009 et 2012, tandis que celui des fraudes par la carte bancaire s’accroît de 20% sur la même période. N’y a-t’ il pas là un risque systémique important ?
Destiné à lutter contre la fraude et le blanchiment, le projet du gouvernement permettra-t-il de réduire la fraude ?
Les mesures annoncées par le Premier ministre sont-elles adaptées ? Les possibles effets de bords ont-ils été mesurés ? L’impact de telles mesures dans d’autres pays a-t’il été évalué ?
Connaissant ces restrictions, la clientèle étrangère à fort pouvoir d’achat et qui privilégie ce mode de paiement, ne va-t-elle pas être amenée à consommer ailleurs ?
La réduction du plafond de paiement en espèces ne risque-t-elle pas d’amplifier le phénomène d’exclusion des citoyens les plus défavorisés ?
Quel impact ce projet aura-t-il sur l’emploi dans l’industrie du cash ? Quel avenir pour la monnaie fiduciaire ?
Hôtes
Patrick LAGARDE
Président Directeur Général, Brink’s France
Eric CHALOPIN
Directeur du développement, Brink’s France
Ariane MALZAC
Directeur de la Communication et des Relations Institutionnelles, Brink’s France
Invités
Eric ALAUZET
Député du Doubs, EELV
François BADIE
Chef du Service Central de Prévention de la Corruption, Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC), Ministère de la justice
Christine BOQUET
Présidente déléguée de l’Union de la Bijouterie Horlogerie
Jean-Baptiste CARPENTIER
Directeur du Service Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), Ministère de l’économie et des finances
Willy DUBOST
Directeur du Département systèmes et moyens de paiement, Fédération Bancaire Française (FBF)
Dimitri GRYGOWSKI
Adjoint au chef de secteur Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) macro-économique, Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)
Henri JULLIEN
Directeur général des activités fiduciaires et de la place, Banque de France
Caroline LE MOIGN
Économiste au Centre d’analyse stratégique (CAS), Services du Premier Ministre
Antoine MERIEUX
Conseiller « innovation et nouvelle économie industrielle » de Monsieur le ministre Arnaud MONTEBOURG